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Sécurité, tout le monde est dépassé – Le Regard d’Eric de Riedmatten

Par Éric de Riedmatten
Juillet 2023

Le monde a bien changé depuis 2005. La violence franchit chaque jour un palier supplémentaire. La tentative d’assassinat en pleine nuit de la femme du Maire de L’Hay-Les-Roses alors que les enfants dormaient est un acte d’une ignominie sans nom.

Ignominie, c’est d’ailleurs le terme employé par le Maire Vincent Jeanbrun dans son cri d’indignation. Personne n’aurait imaginé une telle violence, une telle haine. Dans les émeutes désormais quotidiennes, le seuil de l’intolérable est atteint. Les jeunes sont de plus jeunes. Les armes de plus en plus présentes. Et les modes opératoires stupéfient les forces de sécurité privées comme publiques. Les « applis » facilitent la mobilisation des émeutiers. Les pillages sont systématiques et touchent tous les commerces quels qu’ils soient. De la boutique Nike à la supérette Lidl où le rayon « Coca » a été dévalisé. Cela en dit long sur les motivations des jeunes émeutiers. Les galeries commerciales et les hypermarchés sont dévastés sous les yeux des journalistes qui filment la scène.

SÉCURITÉ PRIVÉE, SÉCURITÉ PUBLIQUE : IMPUISSANTES

Les agents de sécurité sont impuissants et de toute façon, que peuvent-ils faire ? Un magasin a été pillé alors qu’il était sous surveillance. Une certaine frange de cette jeunesse déchaînée tire sur les caméras de vidéosurveillance avec des fusils à pompe. Vendredi soir, c’est une armurerie à Paris qui a été dévalisée. Les flagrants délits se multiplient. En une soirée, on a dépassé samedi soir les 1300 interpellations ce qui inspire toujours la même réaction sur les plateaux de télévision :  » ils seront relâchés, la réponse pénale n’existe plus ». Alors en effet, on se pose tous la même question. Que faire pour endiguer cette violence ? Renforcer les effectifs ? C’est déjà fait.

40 000 policiers sont mobilisés chaque soir contre 12 000 en 2005. À quoi s’ajoute la mobilisation des unités d’élite du GIGN, du RAID et de la BRI soutenus par des hélicoptères et des blindés.

Mais la Police du quotidien chargée du maintien de l’ordre s’épuise.

L’ÉPUISEMENT PEUT-IL MENER À LA BAVURE ?

Certains éléments ont les nerfs à fleur de peau. Cette situation de surtension est d’ailleurs propice au déclenchement de l’irréparable ou disons-le simplement, à la bascule vers la bavure. Loin de moi l’idée d’excuser le drame de Nanterre, je pense seulement que la Police est trop surexposée, trop critiquée, trop peu soutenue. Il serait temps de la considérer et de faire en sorte qu’elle soit respectée. Je dirais même qu’il est urgent de lui donner tous les moyens pour qu’elle inspire de la crainte comme c’est le cas aux États-Unis. La formation doit s’adapter aux nouveaux risques et aux nouvelles violences.

J’en parlais avec le commandant Prouteau sur le plateau. Une arrestation aux États-Unis ne fait pas de plis. La clef de contact du véhicule est aussitôt retirée. Le malfrat sort de la voiture. Il est menotté, mains derrière le dos. La fouille est immédiate. La bavure est rare au regard du nombre de refus d’obtempérer.

Faut-il une meilleure formation ? Sans doute. Faut-il plus de Police municipale ? Oui sûrement. Mais devra-t-on les armer ? Je vois qu’à Nice, face au trafic de drogue, les polices privées sont sur les dents. Jusqu’à la prochaine bavure ?

Faut-il plus d’agents de surveillance et plus de caméras ? Il n’y en a jamais eu autant. Même Paris a été doté de drones qui survolent actuellement les zones les plus sensibles, avec une autorisation exceptionnelle en raison des émeutes alors qu’il y a 15 jours seulement, les bonnes âmes ne voyaient en eux qu’une menace pour nos libertés.

Faut-il l’armée ? J’ai lu samedi que les militaires des opérations sentinelles seraient appelés en renfort pour soulager les effectifs de police.

QUAND UNE MINORITÉ SUFFIT À DÉCLENCHER LE PIRE

Mon sentiment est que tout le monde est dépassé.

Comment la France en est arrivée là ? Les plans banlieue mis en place depuis les années Mitterrand avec Bernard Tapie comme ministre de la ville n’ont pas permis de résoudre un mal profond. Ce mal, c’est le mal-être qui touche une bonne partie des jeunes des cités. Une petite partie d’ailleurs car cette minorité suffit à déclencher l’émeute à la moindre étincelle.

L’absence d’éducation, le refus de l’école, le rejet du travail, l’abandon de l’autorité parentale et le recours au trafic de drogues ont accentué et accéléré le malaise. Il n’y a pas ou plus d’éducateurs dans les zones sensibles. Certains jeunes tombent dans la violence à un âge de plus en plus précoce. Je lis dans Le Parisien que les pilleurs de commerces ont parfois 11 ans seulement. Ce sont les enfants des émeutiers de 2005. Les parents ont démissionné. Ils ont perdu toute autorité sur leurs enfants. Les pères sont absents. Là encore, tout le monde est dépassé. Certains jeunes sont d’ailleurs tellement « paumés » qu’ils détruisent les outils qui pourraient les aider à s’en sortir. On brûle le centre de loisir, on détruit la médiathèque, on dévaste la piscine, on « crame » les ateliers d’insertion. Et même l’école visée par les casseurs à Villeurbanne où la directrice a dû hurler  » ne touchez pas à mon école« .

UN SACRÉ TOUR DE VIS DOIT AVOIR LIEU TRÈS VITE

Il faudra un sacré tour de vis pour remettre debout l’édifice France qui branle de tous côtés. Si j’étais président, je parlerais de tolérance zéro contre les incivilités. Je serais intraitable face à l’irrespect des voyous envers les forces de sécurité. Comme le suggérait un syndicat de Police sur une chaîne de télévision, je remettrais en place des centres de redressement pour mineurs, je créerai des peines plancher incompressibles pour les petits actes de délinquance comme cela se fait aux Pays-Bas. Même 3 jours de prison suffiraient à faire réfléchir les petits voyous qui ont perdu toute notion de sanction. Et il sera urgent de récupérer les armes en circulation dans les banlieues. Comme le disait samedi l’éditorialiste Guillaume Bigot, c’est le dernier avertissement que doit lancer l’autorité publique et pour ce faire, le renfort de l’armée sera sans doute nécessaire.

Éric de Riedmatten

Directeur de la publication : Michaël Lejard
Chef d’édition : Éric de Riedmatten
Editeur : Agora Médias, une activité d’Agora Managers Groupe