Sécurité au Stade : pourquoi ils n’ont pas osé ? – Le Regard d’Éric de Riedmatten
Par Eric de Riedmatten
Juin 2022
Le chaos total du Stade de France lors du match Liverpool-Real Madrid, on n’est pas près d’oublier. On a beau dire que la sécurité privée à fait de son mieux, on a beau se féliciter qu’il n’y ait pas eu de victimes, il est temps de tirer les conclusions de cet enfer qui risque de coûter cher au pouvoir en place et qui a déjà éreinté l’image de la France à l’étranger. Heureusement, le match France-Danemark qui a suivi s’est bien passé. Les supporters ont été traqués, tracés, scrutés. Tout débordement aurait été une catastrophe pour Gérald Darmanin qui n’a pas fini de se voir reprocher la gestion de la sécurité pour la soirée du 28 mai. Et je suis heureux de voir que ce chaos du Stade de France a au moins permis de populariser le terme de « continuum ». Car en effet, plusieurs émissions ont aussitôt rebondi sur ces lacunes sécuritaires pour aborder la question du continuum de la sécurité. Je citerai en premier cette très bonne émission de Sud Radio animée par Patrick Roger, avec la journaliste Elisabeth Levy et le directeur de la rédaction d’ANews Sécurité, Michaël Lejard. Dans cette émission, tout est dit. La France ne peut pas continuer dans cette voie, laissant aux seules forces de l’ordre publique la gestion des débordements. Côté privé, les stadiers ont fait de leur mieux, évitant l’envahissement de la pelouse, évitant les courses poursuites dans les tribunes. Bravo à eux. Mais leur présence doit maintenant être décuplée. Ne laissons pas passer cette opportunité de renforcer le continuum. Les pouvoirs publics doivent oser aller plus loin en confiant de nouvelles taches aux forces de sécurité privée. Et en augmentant l’usage des nouvelles technologies.
Avez-vous déjà oublié ce qui s’est passé aux Jeux Olympiques de Londres en 2012. Pris de cours face aux menaces terroristes, dix jours avant la cérémonie d’ouverture, les organisateurs avaient été incapables de trouver 10 000 agents privés supplémentaires, faute de main d’œuvre disponible et surtout de formation. Veut-on reproduire ce raté pour les JO de Paris 2024 ? Faut-il attendre la dernière minute pour gérer la question de la sécurité des JO ? Londres avait prévu 360 millions d’euros pour ce recrutement massif. 4000 agents seulement avaient été sélectionnés et c’est l’armée qui finalement a été mobilisée.
IL FAUT OSER PASSER A LA RECONNAISSANCE FACIALE
Pourquoi ne pas oser profiter de ces JO pour imposer la reconnaissance faciale ? Au Stade de France, pour la rencontre Real/Liverpool, cette technologie aurait été bien utile. Est-il normal que des petits voyous des environs (notez que les autorités les ont appelés « riverains »), viennent narguer les forces de l’ordre impuissantes ? Mais que diable ont-ils en tête pour interdire en France cette technique qui marche à merveille en Israël et qui permet d’éviter des attaques terroristes ? Les soldats photographient avec leur téléphone portable le visage des Palestiniens et transmettent les images à une base de données. En quelques minutes, il est possible de vérifier si un suspect doit être interpellé ou non. Dans un pays comme la France où le nombre de suspects sans papiers parfois dangereux se multiplient, cette arme de dissuasion serait bien utile. Mais une fois encore, nos normes, nos règlements, notre gentillesse, notre naïveté interdisent ce type d’avancée. Qui cela gêne ? Sûrement pas ceux qui sont en règle. Le problème est là. Notre pays hélas ne se relèvera pas s’il ne passe pas la vitesse supérieure dans la traque des indésirables.
Pourquoi n’ont-ils pas osé utiliser des drones ?
LA FRANCE VICTIME DE L’ENLISEMENT BUREAUCRATIQUE
Pourquoi n’ont-ils pas « valorisé » l’ensemble des renseignements qu’ils détenaient ? Car comme le dit Eric Delbecque dans le JDD du dimanche 6 juin (et auteur de « L’Insécurité Permanente », interviewé sur ANews Sécurité https://www.anews-securite.fr/linsecurite-est-devenue-notre-quotidien-eric-delbecque-security-book/), tout ce qui s’est passé était prévisible. Les bandes qui rôdent autour du Stade de France sont connues. Et personne n’a osé construire le scénario du pire. Comme le conclut Delbecque, ce n’est pas le manque de moyens qui a plombé la soirée mais c’est l’enlisement bureaucratique français qui bloque l’initiative et l’audace.
Faut-il rappeler que pour les JO 2024, Paris devra gérer 600 000 spectateurs le long des quais de Seine sur une distance de 10 kilomètres. Gérald Darmanin s’en est ému et serait même sur le point de réduire cette jauge en filtrant les accès. Mais pourquoi donc ne pas « s’armer » de nouvelles armes technologiques capables de faire le tri entre bons pères de familles et casseurs ou voyous.
POUR LES JO 2024, LE TEMPS PRESSE
Il est intéressant d’écouter l’émission « L’Info à Chaud » d’Alexandre Carré en rediffusion ce mercredi. Car oui, la sécurisation des JO 2024 est pour le moment un cauchemar. Christian Prouteau fondateur du GIGN n’hésite pas à dire que le temps presse. Il est impensable d’attendre la dernière minute pour recruter puis former les bras qui seront utiles sur des dizaines de sites incluant la province d’ailleurs. Selon Christian Prouteau, tout est possible si l’on s’y prend suffisamment tôt.
Pourquoi ne pas oser passer au « tout digital » concernant la billetterie ? Car le risque de fraudes lié à la billetterie est une autre menace. Sans billet électronique, tout abus sera permis. Toute fraude sera incontrôlable et générera des intrusions voire des violences. Comme le disait ce week-end Tony Estanguet, président du COJO, seule la billetterie digitale devra faire foi. Espérons que ce vœu sera exaucé.
Pour le moment, le ministère de l’Intérieur annonce la présence de 20 000 personnes chargées de la sécurité des enceintes sportives. Cela sera-t-il suffisant ? Même avec 10 000 policiers supplémentaires autour des sites, on sera loin des 90 000 agents mobilisés pour l’Euro 2016.
Certes, la cyber-sécurité assure un relai qui n’existait pas en 2016. On peut donc compter sur la technologie et sur les caméras de la ville de Paris qui ont été développées depuis. A condition toutefois que la main-d’œuvre soit disponible pour surveiller les faits et gestes des suspects.
Mais comme le souligne Christian Prouteau, d’autres actes terroristes imprévisibles peuvent venir et bloquer les JO 2024, comme par exemple l’interruption des retransmissions ou l’évolution de la géopolitique.
Nul ne sait comment tout cela tournera pour les JO 2024. Il serait bon de relancer l’initiative et d’oser prendre des risques. Et surtout, protéger nos policiers et nos agents de sécurité en leur donnant plus de responsabilités et en les couvrant systématiquement.
Eric de Riedmatten
Directeur de la publication : Michaël Lejard
Directeur de la rédaction : Alexandre Carré