IA : à peine née, déjà tuée – Le Regard d’Éric de Riedmatten
Présenté par Éric de Riedmatten
Juin 2023
L’intelligence artificielle a occupé les unes de tous les médias la semaine dernière. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la peur a envahi les esprits. Même les intellectuels se fendent de messages alarmistes. Certains redoutent une perte des libertés notamment avec la montée en puissance de la reconnaissance faciale. Je lis par exemple dans le quotidien l’Opinion, l’éditorial de l’ancienne directrice de Normale Sup, Monique Canto-Sperber.
Identifier les délinquants dit-elle dans le numéro du 13 juin, « détruirait le fondement du libéralisme qu’est la protection de la vie privée« .
Et d’affirmer qu’une expérimentation (comme cela est prévu pour les JO) serait dangereuse car « toute vigilance acharnée finit par trouver ses coupables« . Je m’étouffe et bien sûr, je ne partage pas cette vision qui transfère la pression de la surveillance sur les forces de sécurité publiques et privées. Ces hommes et ces femmes qui payent de leur vie les violences inacceptables qui gangrènent notre pays.
L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, RELAIS DES AGENTS DE SÉCURITÉ
Pour ma part, je vois l’intelligence artificielle (IA) comme un allié de l’Homme. Au même titre qu’Internet et ses puissants moteurs de recherche. J’y vois surtout un relais des agents de surveillance pour toutes les actions liées à la sécurité. Sans IA, nous risquerions d’être bien faibles et démunis face à la montée des violences prévisibles lors des JO. Cette IA sera un atout majeur pour la France dans un an.
Or, à peine annoncée, on tente de réduire à néant tous les bienfaits de cette technologie qui, une fois encore, à l’instar de toutes les grandes avancées technologiques, effraie le citoyen. Il en fut de même pour la charrue qui a révolutionné le monde agricole, pareil pour la machine à vapeur qui a lancé l’ère industrielle, pareil pour le train, l’automobile, l’avion puis Internet.
Oui, l’intelligence artificielle va nous aider. Or, l’Union Européenne a lancé sa grande offensive pour réguler cette fantastique avancée au point d’énerver le président Emmanuel Macron qui demande à l’UE de ne pas tuer l’innovation.
QUAND L’EUROPE BLOQUE EMMANUEL MACRON S’AGACE
Cela est d’autant plus grave que la France est bien placée pour accompagner le développement de cette technologie. Elle dispose de solides startups notamment dans le domaine de la sécurité et se hisse au premier rang européen avec ses fleurons que sont Thalès, Safran, Atos, sans parler des fantastiques avancées en matière de cyber sécurité, dont on vous parle régulièrement dans ANews Sécurité.
Plus grave, des entreprises américaines comme OpenAI annonce qu’elles n’investiront plus en Europe car elles estiment que le marché sera trop étroit compte tenu des règlements. L’ancien ministre Cédric O parle même d’arrêt de mort de l’intelligence artificielle en Europe.
La reconnaissance faciale qui devait être utilisée durant les JO sera tellement limitée et encadrée que l’on peut d’ores et déjà affirmer que l’Europe et ses législateurs l’ont tuée dans l’œuf. Quand je pense que la France avait imaginé Internet avant les Américains et que la technologie « Cyclades » a été reprise et développée par les États-Unis, je me dis que l’Europe a tort d’ériger des barrières sur le chemin du futur. Réguler l’IA, se méfier de ChatGPT, oui il le faudra. Mais de grâce, donnez-leur d’abord une chance de grandir. Aurait-on créé le code de la route avant l’automobile ?
IA : LES DANGERS DE LA RÉGULATION
Rendez-vous compte, les eurodéputés au nombre de 499, ont voté pour une limitation de l’intelligence artificielle au parlement de Strasbourg la semaine dernière. Croyez-moi, la Chine et les États-Unis se frottent les mains. Ils sauront accélérer et prendre les meilleures places. Emmanuel Macron a raison de dire que l’on est en retard sur l’innovation. Il ajoute que si l’on veut créer de grands champions, il ne faut pas commencer par la régulation. Notre insécurité en France est due en grande partie aux manques de moyens. La technologie sera d’un grand secours. La surveillance des populations ne me choque pas. Après tout, des caméras en ville vont désormais nous verbaliser à la moindre infraction comme les radars nous flashent sur les routes depuis des années. Israël ne se plaint pas d’avoir adopté la reconnaissance faciale. C’est le seul moyen de lutter contre le terrorisme ou de déjouer les tentatives d’actes violents. Et de cela, notre pays en a besoin.
Elon Musk, nouveau champion de l’IA, de passage à Paris, admet qu’il faudra maîtriser la bête. Mais lui-même ne serait-il pas déjà un génie diabolique ? À cette question posée par l’organisateur du salon Vivatec, l’homme de Tesla et de Spacex n’a qu’une réponse : un grand éclat de rire dans une tonalité démoniaque.
Alors, à choisir entre intelligence artificielle et intelligence humaine, la France devra suivre l’option de l’intelligence de situation. C’est-à-dire ne pas louper le coche et investir sans compter dans les technologies du futur. Sinon, elle risque de vivre un enfer avec tous les diablotins américains et chinois qui se bousculent déjà aux portes de l’IA. La guerre des intelligences est en route.
Eric de Riedmatten
Directeur de la publication : Michaël Lejard
Chef d’édition : Eric de Riedmatten
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