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Et si la sécurité « hybride » était la solution ? – Le Regard d’Éric de Riedmatten

Octobre 2022

Je lis Le Figaro du 7 octobre.

Et je découvre l’étude d’un chercheur qui a évalué le coût de l’insécurité en France. 

Rien que pour les homicides, il y en a pour 3 mds € par an, supportés par la collectivité et donc nos impôts. Ce calcul est fondé sur le coût des indemnisations des familles et les dépenses médicales consécutives aux agressions. Si l’on regarde les seules atteintes physiques, il y a de quoi s’étrangler. Le coût annuel est évalué à 69 mds d’euros selon les chiffres révélés par mon confrère Jean-Marc Leclerc, le fils du célèbre commissaire (patron de l’anti gang dans les années 70). Et je vous épargne le coût des cambriolages pour vous éviter une litanie de chiffres. Car hélas, la France crève tous les plafonds avec plus de 300 000 violations de domicile. Bref, il y a un problème en France. Celui du coût de la sécurité, direct et indirect. Car il y a le coût de la surveillance certes mais aussi le coût caché de son inefficacité …je m’interroge.  Faut-il multiplier les forces publiques déjà débordées ou faut-il, au contraire, renforcer le continuum de la sécurité qui peut se déployer à volonté sans peser sur le budget de l’État ? Autrement dit, compter sur le relais des forces privées. 

AU CANADA, LE RECOURS AUX ENTREPRISES DE SÉCURITÉ PRIVÉE A FAIT UN BOND DE 20% EN 20 ANS

Je regarde une étude passionnante, réalisée au Canada, qui traite du recours aux services de la sécurité privée. En 20 ans, nous dit cette étude, le nombre de fournisseurs de services de sécurité privée a progressé de 20% . On ne parle pas de police privée mais de services qui assurent un rôle préventif. Là-bas, « les patrouilleurs » comme on les appelle sont omniprésents. Ce sont des agents privés qui viennent pallier le manque de policiers. Il suffit de regarder les sites d’emplois sur internet au Canada, ils regorgent de propositions de jobs.

Et après tout, ce continuum n’est pas choquant. En aucun cas il vient retirer du travail à des forces de l’ordre déjà sur-mobilisées.

C’est aussi une façon d’agir sur la dépense publique. Peut-on indéfiniment faire supporter les dépenses de sécurité au contribuable ?

VERS UNE SÉCURITÉ PARAPUBLIQUE ?

En France, ce concept de sécurité parapublique fait son chemin. Cette sécurité, que l’on pourrait appeler sécurité hybride, n’est ni portée par les municipalités ni par les entreprises privées mais par des organismes financiers et des bailleurs sociaux gestionnaires de parc immobilier.

Je pense au GPIS le Groupement Parisien Interbailleur de Surveillance.

Déjà 17 communes ont été placées sous la surveillance de ce GPIS.

Michaël Sibilleau, ex-directeur de cabinet du préfet de Seine-Saint-Denis, m’expliquait comment cette sécurité « parapublique » permet désormais de renforcer la sécurité aux abords des zones sensibles, où le trafic de drogue et les incivilités se multiplient. 

DES VILLES SURVEILLÉES PAR DES AGENTS PRIVÉS EN FRANCE 

Cette sécurité ultra localisée est assurée par des agents indépendants. 

Ils seront assermentés en 2023, me confiait le directeur général du GPIS. Sous l’action de cette sécurité hybride, qui coûte quand même 18 millions d’euros aux bailleurs sociaux, il a été possible de faire régner l’ordre dans 165 000 logements et obtenir l’expulsion de 81 000 personnes fauteurs de troubles qui ne payaient plus leur loyer.

A mon sens, cette démarche est positive. 

On imagine son impact et ses effets autour des zones urbaines abandonnées par la République.

Je pense au Stade de France ou à la porte de la Chapelle où des riches touristes, venus de Roissy, se font détrousser dans leur voiture, comme au temps des attaques de diligence.

Cette sécurité parapublique me rappelle aussi ce qui se fait en Suisse où des entreprises privées assurent la surveillance des quartiers vulnérables aux vols et aux agressions. Un pays où Secuitas remplit des missions de prévention qui nous feraient envie.

Et s’il le faut, en France, comme cela se passe déjà avec la lutte contre le terrorisme qui incite les passants ou les usagers des transports à signaler tout comportement douteux, cela ne me choquerait pas que l’on fasse de même pour dénoncer la délinquance locale avant qu’elle ne passe à l’acte. 

L’auto surveillance est sûrement le meilleur remède contre la violence urbaine.

Les services de sécurité privée seraient tout à fait à même de collecter des informations, de fournir des renseignements aux autorités afin d’agir à temps, tout en assurant un rôle de médiateur.

C’est ce continuum positif et porteur d’espoir qui doit être étudié si l’on veut éviter d’être dépassé par la violence qui semble de plus en plus incontrôlable. Les Suisses, les Canadiens les Espagnols l’ont compris depuis longtemps. 

Éric de Riedmatten 

Directeur de la publication : Michaël Lejard