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Coupures d’électricité : et la sécurité ? – Le Regard d’Eric de Riedmatten

Par Eric de Riedmatten
Décembre 2022

La menace de coupures en janvier provoque, en France, une « surtension » de réactions. Y compris pour le maintien de la sécurité. Comment va-t-on gérer l’interruption des systèmes de vidéosurveillance ? Et comment les commerces sensibles vont-ils se protéger ?  Je pense aux bijouteries et aux magasins d’articles de luxe… La plupart des petits commerces n’ont pas de groupe électrogène, me disait le directeur de la sûreté des Galeries Lafayette Haussmann. Et donc, ils seront contraints de cesser leur activité à la moindre coupure, avec, au final, des pertes de revenus. Car il faut bien le savoir, sans courant électrique, sans batterie et sans groupe électrogène, tous les systèmes de sécurité se mettent à l’arrêt.

LES SYSTÈMES DE VIDÉO SURVEILLANCE VONT-ILS CESSER DE FONCTIONNER ?

Me revient en mémoire une scène mythique du célèbre film de Jean-Pierre Melville, « Le Cercle Rouge ». Je revois Alain Delon et Yves Montand essayant de neutraliser le système de détection électronique d’un grand bijoutier de la place Vendôme pour s’emparer des rivières de diamants disposées dans des vitrines du magasin. Vingt minutes de suspense, vingt minutes de silence, vingt minutes sans lumière et c’est toute la collection de bijoux qui disparait !

Et je me pose une question :  Les coupures électriques vont-elles provoquer une envolée des effractions, une accélération des vols, une poussée des cambriolages ? A l’heure où l’insécurité domine, avec une explosion des crimes et délits, je m’interroge sur le silence des autorités quant aux interruptions inopinées des systèmes de surveillance.  Bien sûr, beaucoup de grands commerces sont équipés de groupes électrogènes ou de batteries de secours.

LES GRANDS MAGASINS DISPOSENT DE 72H00 DE RÉSERVE ÉLECTRIQUE

Hugues Payet qui dirige la sûreté des Galeries Lafayette me confirme disposer d’un système de batteries capables de prendre le relais des coupures de courant pendant 72 heures. Son équipe, composée de 350 personnes, sera sur le pied de guerre jour et nuit. « Nous prenons tout cela très au sérieux » affirme-t-il

Les banques également disposent de systèmes capables d’assurer le fonctionnement des sas de sécurité et des distributeurs de billets. Sachez que les DAB (comme on les appelle) réalisent 800 transactions par seconde !

LES BANQUES, 96H00 SANS ÉLECTRICITÉ

Quant aux DATA centers qui gèrent les comptes et enregistrent les transactions, ils sont capables de fonctionner 96 heures sans courant, précise un directeur de la sécurité des systèmes informatiques.  J’ose le croire !

Mais chez les particuliers où les systèmes de télésurveillance sont dépendants d’internet, que va-t-il se passer en cas de coupures ? On me répond que la centrale alertera le particulier. Oui mais après ? Si le particulier est absent ? Et que dire des systèmes d’alarme ? Lorsque le courant ne passe plus, la sirène va-t-elle retentir ? On me dit que dans certains cas, des batteries de secours sont intégrées et que le système fonctionne entre 2 et 5 jours si le courant est coupé.

Mais au final, et tout le monde s’y attend, il y aura donc bien des « trous » dans la raquette, comme on dit.

L’IMPACT FINANCIER DES COUPURES VA METTRE EN DANGER LES PME

Les entreprises, PME et PMI seront sans doute les plus pénalisées. Selon leur porte-parole, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, avec qui j’ai pu m’entretenir, 150 000 entreprises de taille moyenne seront mises en danger. Dans certains cas extrêmes, la production va être interrompue. Et quand on bloque une production 2 heures, il faut 3 jours pour relancer une industrie me disait Geoffroy Roux de Bézieux, le président du MEDEF. Ces entreprises vont devoir gérer la flambée des factures, qui dans certains cas seront multipliées par 10. Je pense au groupe William-Saurin/Panzani, dont 800 salariés sur 1200 vont être mis en activité partielle avec la fermeture de 4 usines sur 8 dès le 2 janvier. Et cela, parce que les factures vont exploser et que le maintien de l’activité coutera plus cher que les factures d’électricité. 

LES ÉLUS LOCAUX RÉCLAMENT UNE RÉUNION D’URGENCE AVEC L’ÉTAT

Ce problème des « coupures » n’est pas pris à la légère. Les collectivités s’inquiètent des conséquences et d’un délai d’alerte trop court pour mettre en place une organisation sérieuse.

Les maires de France ont demandé au Gouvernement de revoir l’horaire d’alerte. Seuls les préfets sont habilités à orchestrer ces coupures. Devant le sentiment d’impréparation, l’Association des Maires de France (AMF), leur a demandé de prévenir les populations à midi et non plus 17h, la veille, comme le prévoit actuellement RTE. Mesure de simple bon sens ! Je pense aux écoles. Ces coupures entraineraient l’arrêt des systèmes d’alarme et anti incendie, contrôle chauffage, arrêt des serveurs informatiques, systèmes anti intrusion, ascenseurs. Bref, un cauchemar qui nécessite une réponse sécuritaire en amont, estime l’AMF.

LE COURANT DOIT PASSER ENTRE LES ÉLUS ET L’ÉTAT

Les élus locaux exigent une réunion d’urgence entre l’Etat et les collectivités.

Il n’y a pas si longtemps, une zone d’activités de Loué, dans la Sarthe, a été victime d’une longue coupure de courant. Non préparés, les commerçants ont été plongés dans le noir sans aucune connexion et ont subi des pertes de plusieurs dizaines de milliers d’euros après avoir jeté des aliments aux ordures, faute de vitrine réfrigérée. Est-ce cela que la France veut vivre en janvier, si coupures il y a ? L’impréparation serait le pire des scénarios. L’Etat, me semble-t-il, serait bien avisé de prendre en compte la position des experts en sécurité privée. Pour le moment, si l’on se place sur le plan de la communication, il semble que le courant ne passe pas !

Eric de Riedmatten

Directeur de la publication : Michaël Lejard
Chef d’édition : Eric de Riedmatten