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Sécurité renforcée pour 2030 : et le continuum dans tout cela ? – Le Regard d’Éric de Riedmatten

Par Eric de Riedmatten
Juillet 2022

Il y aura davantage de police dans les rues en 2030. Et même 15 000 places de prisons supplémentaires ! Voilà ce qu’a annoncé à l’Assemblée Elisabeth Borne, nouvelle première Ministre pour son premier discours. J’aurais aimé la remercier pour cette intention louable. Car l’insécurité dans notre pays est (à mon sens) l’inquiétude numéro un.

Tout le monde parle du pouvoir d’achat comme si c’était le drame du siècle alors que le gouvernement lâche des milliards pour éviter l’embrasement social.

En revanche, question sécurité, là, on avance à petits pas et pourtant, la situation est d’une extrême gravité. Si l’Etat n’accélère pas son programme sécuritaire, c’est toute une nation qui va se déliter.

2030 me parait bien loin pour redresser la barre.
Il est étonnant que l’on puisse trouver des milliards avec tant de facilité pour compenser la hausse des prix alors « qu’en même temps », l’argent soit si rare pour la sécurité publique.

Et quand on fait le bilan des promesses du passé, on reste sur sa faim.

Gérald Darmanin affirme que les effectifs policiers ont été augmentés entre 2018 et 2020. Soit ! Je veux bien le croire.

Mais la réalité sur le terrain est tout autre. Il suffit d’en parler aux syndicats et aux policiers eux-mêmes. L’organisation ne tourne plus rond. Les procédures trainent en longueur et l’efficacité policière est en déclin. Les bandes en profitent, défiant la police comme on ne l’a jamais vu ! Kalachnikov en bandoulière sur un voyou à scooter dans le centre-ville de Grenoble, rodéos qui se généralisent, agression d’un policier gare de Lyon le 4 juillet, par un récidiviste en situation irrégulière puis relâché !

Impunité, manque de temps, trop de missions, désorganisation. Notre sécurité ne manque pas seulement de moyens financiers, elle manque de bras, de vision et de bon sens.
Et là, le continuum pourrait être d’un grand secours. Hélas, pas un mot sur ce thème à l’Assemblée comme je le disais la semaine dernière dans cette même rubrique.

Les policiers manquent de temps disponible pour accomplir leur mission au contact des Français. Ils sont accaparés par les procédures et les tâches annexes. Vouloir doubler le nombre de policiers sur le terrain d’ici à 2030, c’est une bonne idée. Cela veut dire redistribuer les missions et réorganiser cette administration. A Matignon comme à l’Elysée, on estime que 3000 postes pourraient être redistribués si nos forces de police n’étaient plus affectées aux contrôles administratifs ou à la gestion des centres de rétention par exemple. On pourrait ajouter « s’ils ne perdaient pas de temps à piéger les automobilistes qui roulent trop vite en ville ». Ce type de mission n’a qu’à être confié à des agents privés comme on le fait déjà pour verbaliser les stationnements !

Avec cette méthode, l’Etat espère récupérer les effectifs de police chargée du contrôle des passeports à Orly et Roissy afin de les affecter à des missions de terrain.

Il est vrai que toutes ces missions pourraient être sous-traitées à des organismes privés.
Sait-on par exemple que le contrôle des frontières en Suisse est assuré en partie par le renfort d’agents privés ?

Et que l’Espagne fait figure d’avant-gardiste avec son continuum efficace lancé en 1990.

Car une autre question se pose : Comment feront les forces de l’ordre pour courir tous les lièvres à la fois ? Lutter contre le trafic de drogue, intercepter les rodéos, contrôler les chauffards de la route, sécuriser les plages, participer aux enquêtes et filatures et mener des actions contre le terrorisme ? La police même appuyée par la gendarmerie ne pourra pas tout faire. Seul, le continuum de la sécurité pourra assurer un relai efficace. Et sur ce point, hélas, toujours pas de clarification de la part de Matignon.

Le continuum est pourtant la troisième voie discrète et silencieuse capable d’être sur tous les fronts.

A tort, ses détracteurs lui tordent le cou en estimant que cette force privée manque de fiabilité car insuffisamment contrôlée. Je dirais juste qu’elle fait son chemin et gagne ses lettres de noblesse. Ses organisations syndicales sont toutes d’accord pour renforcer la formation et augmenter le nombre de contrôleurs en France.

Cet été, les agents du privé seront partout. Vous les verrez sur tous les fronts et discrètement dans les boites de nuit où sévit une vague d’attaques à la seringue qui terrorise les femmes.

Ils seront sur les plages en renfort des maîtres-nageurs sauveteurs et des CRS.

Ils surveilleront les festivals avec le renfort de drones, ils filtreront les entrées des concerts de musique rock (on manque d’agents de sécurité pour le concert des Rolling Stones à Paris).

Ils seront aussi présents sur les autoroutes de France payés par les autoroutes et qui prennent des risques chaque jour pour assurer la sécurité des automobilistes aux abords des péages.

Avec l’arrivée des Jeux Olympiques, tout le monde s’alarme sur le manque de moyens disponibles le jour de la cérémonie d’ouverture. A tel point que Gérald Darmanin veut redimensionner cet évènement avec moins de monde sur les berges de la Seine. Le continuum aurait toute sa place. Le CNAPS, autorité de contrôle, va-t-il accorder plus d’agréments ?

Le droit à la tranquillité est une priorité ! Alors que 57 % des Français ne font pas confiance à Emmanuel Macron pour assurer leur sécurité.

Je finirai par un point : l’inflation est inquiétante certes. Mais…  Ne l’oublions pas, elle a rongé les économies de plusieurs générations, entre 1970 et 1990. Personnellement, faisant partie des baby-boomers, j’ai vécu avec une hausse des prix permanente où il fallait payer 14 ou 15% d’intérêts chaque année pour acheter une voiture ou un logement. Et d’ailleurs, Michel Edouard Leclerc avec qui je parlais récemment, me disait que sa chaîne était née grâce à l’inflation. Sans la hausse des prix permanente, les « hypers » n’auraient jamais vu le jour. Certes les salaires augmentaient et le livret A rapportait 10% l’an.

A cette même époque, l’insécurité était le moindre des soucis des Français. Madame Giscard d’Estaing qui s’exprimait dans Paris Match en fin de semaine dernière, avouait n’avoir jamais eu de garde du corps pour s’échapper de l’Elysée.

Aujourd’hui, comme le dit Eric Ciotti, ne laissons pas se développer une France « Orange Mécanique ».

Eric de Riedmatten 

Directeur de la publication : Michaël Lejard
Directeur de la rédaction : Alexandre Carré